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EMERGENCE DES NOTIONS DE GENOCIDE

ET DE CRIME CONTRE L'HUMANITE

 

 

A) DES PROCES POUR LA MEMOIRE

 

1- Nuremberg (novembre 1945-octobre 1946)

Le Premier ministre britannique, Churchill, réclamait le châtiment des crimes commis. Une autre solution fut retenue: le jugement des principaux dirigeants du IIIe Reich et d'organisations civiles et militaires national-socialistes. Les modalités du procès furent fixées au cours de la conférence de Potsdam, le 8 août 1945.

Les puissances Alliées signeront ensuite les accords de Londres établissant les statuts d'un tribunal spécial interallié, composé de quatre juges représentant les quatre grandes nations (un américain, un britannique, un soviétique et un français). Le choix du lieu est symbolique : Nuremberg, l'ancienne "ville sainte" du nazisme (qui avait accueilli notamment des parades nazies et où furent établies les lois antisémites en 1935).

Parade nazie à Nuremberg, 1934

Les plus hauts dignitaires du parti national-socialiste et les chefs de la Wehrmacht comparaîtront devant lui pour y répondre de trois principaux chefs d'accusation:

- crimes contre la paix ;

- crimes de guerre : violation des lois et coutumes de guerre, c'est-à-dire p.ex. assassinat, mauvais traitements de prisonniers de guerre, exécution d'otages, pillage de biens publics ou privés, destruction sans motif des villes et village ;

- crime contre l'humanité : tout acte inhumain commis contre les populations civiles, toute persécution pour motifs politiques, raciaux ou religieux.

 

L’ensemble des magistrats sont issus des quatre puissances victorieuses : Geoffre Lawrence (juge britannique et président); William Birkett (juge britannique suppléant; Francis Biddle (juge américain); John Parker (juge américain suppléant); Henri de Vabre (juge français); Robert Falco (juge français suppléant); Lola Nikitchenko (juge soviétique); Alexander Volchkov (juge soviétique suppléant).

Les juges britanniques et américains Lawrence et Biddle discutent lors de l'ouverture du procès (20/11/1945)

 

« En exécution de l'Accord signé le 8 août 1945 par le gouvernement provisoire de la République Française, les gouvernements des Etats-Unis d'Amérique, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord, et de l'URSS, un tribunal militaire international sera créé pour juger et punir de façon appropriée et sans délai les grands criminels de guerre des pays européens de l'Axe. »

 Article premier de la Constitution du Tribunal Militaire International

 

Le tribunal de Nuremberg est donc chargé de juger les chefs nazis et il définit ainsi le crime contre l'humanité : « assassinat, extermination, réduction en esclavage, déportation et tout autre acte inhumain commis contre toute population civile, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs raciaux ou religieux lorsque ces actes ou persécutions, qu'ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du tribunal ». Le tribunal précise qu'il est compétent pour « juger et punir toutes personnes qui, agissant, pour le compte des pays européens de l'Axe, auront commis individuellement ou à titre de membres d'organisations des crimes contre l'humanité ».

Le tribunal de Nuremberg retient par exemple que « les camps de concentration créés au début de 1933 sous la direction de l’accusé Göring, prirent de plus en plus d'importance et devinrent comme un aspect permanent de la politique terroriste des conspirateurs. Les nazis s'en servirent pour commettre les crimes contre l'Humanité. Parmi les principaux organismes utilisés pour la perpétration de ces crimes contre  l'Humanité, se trouvent les SS et la Gestapo qui, avec d'autres services ou organismes privilégiés de l'Etat et du parti, étaient habilités à opérer, sans aucun contrôle légal. »

Les criminels de guerre nazis au banc des accusés

Premier rang, de gauche à droite : Hermann Göring , Rudolf Hess , Joachim von Ribbentrop , Wilhelm Keitel , Ernst Kaltenbrunner , Alfred Rosenberg , Hans Frank , Wilhelm Frick , Julius Streicher , Walther Funk , Hjalmar Schacht.
Deuxième rang, de gauche à droite : Karl Dönitz , Erich Raeder , Baldur von Schirach , Fritz Sauckel , Alfred Jodl , Franz von Papen , Arthur Seyss-Inquart , Albert Speer , Konstantin van Neurath , Hans Fritzsche

 

Durant la tenue du procès, les juges internationaux de Nuremberg eurent à se prononcer sur le cas de 24 accusés dont un seul fut acquitté, l’économiste Schacht. Les jugements rendus à Nuremberg ont une importance considérable pour la mémoire collective. En effet, la condamnation de responsables nazis pour crime de guerre, crime contre l’humanité et génocide rend incontestable les horreurs commises durant la deuxième guerre mondiale par les nazis, donc le génocide.

 

LES 24 ACCUSES DU TRIBUNAL DE NUREMBERG (1945-1946)

ACCUSES

POSTE DANS

LE III° REICH

VERDICT DU TRIBUNAL

Karl Döritz

Commandant en chef de la marine allemande

10 ans de prison

Hans Frank

Gouverneur général de la Pologne

Condamné à mort

Wilhelm Frick

Ancien ministre de l'Intérieur

Condamné à mort

Hans Fritzsche

Directeur du service de la radio au ministère de la propagande

Acquitté

Walter Funk

Président de la Reichsbank jusqu'en 1939

Prison à vie

Hermann Göring

Ancien Maréchal du Reich

Condamné à la peine de mort, s'empoisonne avant l'exécution

Rudolf Hess

Adjoint d'Hitler jusqu'en 1941

Prison à vie

Alfred Jodl

Chef d'Etat Major des opérations de guerre du Commandement suprême des forces armées (OKW)

Condamné à mort

Ernst Kaltenbrunner

Chef de la police de sécurité

Condamné à mort

Wilhelm keitel

Maréchal et chef de l'OKW

Condamné à mort

Constantin von Neurath

Ministre des affaires étrangères (1932-1938)

15 ans de prison

Franz von Paper

Vice-chancelier puis ambassadeur du Reich

Acquitté par Nuremberg puis 8 ans de prison par le tribunal allemand

Erich Raeder

Commandant en chef de la marine (1928-1943)

Prison à vie

Joachim von Ribbertrog

Ministre des affaires étrangères

Condamné à mort

Alfred Roserberg

Ministre des Territoires occupés de l'Est

Condamné à mort

Fritz Sarkel

Commissaire de la main d'oeuvre

Condamné à mort

Hjalman Schacht

Ministre de l'économie (1934-1937)

Acquitté puis brièvement emprisonné par l'Allemagne

Baldur von Schirach

Chef de la jeunesse hitlérienne et garleiter (chef de district) à Vienne

20 ans de prison

Arthur Seyss-Inquart

Chancelier de l'Autriche puis commissaire du Reich dans les Pays-Bas occupés

Condamné à mort

Albert Speer

Ministre de l'armement et de la production de guerre

20 ans de prison à Spardau

Julius Streicher

Responsable du journal antisémite « Der Stürmer »

Condamné à mort

Martin Bormann

Conseiller d'Hitler

à partir de 1943

Mort en mai 1945 à Berlin

ou en fuite

Robert Ley

Ancier dirigeant du Deutsche Arbeitfront (DAF, front Allemand  du travail)

Se suicide dès le 25 octobre

dans sa cellule

Les limites du procès

Le procès, pour lequel il fallut, au préalable, définir une loi écrite internationale, érigeait en quelque sorte les vainqueurs en juges des vaincus : il parut donc partial aux Allemands, d'autant plus qu'il n'inscrivait pas dans sa compétence les exactions causées par des chefs alliés.

Pour exemple, le procès a occulté l'exécution par les Soviétiques de 4 500 officiers polonais découverts dans le charnier de Katyn, tout comme les bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki par l'aviation américaine. Par ailleurs, de nombreux responsables nazis en fuite ont échappé à son verdict et certains d'entre eux ont même été utilisés et protégés par les Alliés eux-mêmes, à l'époque de la guerre froide.

A l'inverse, le procès pouvait passer pour être celui de la nation allemande dans son ensemble. Or il existait des familles allemandes anti-hitlériennes et parmi les alliés, on comptait aussi des collaborateurs au régime hitlérien. Du moins les accusés purent-ils librement choisir leurs avocats et présenter le système de défense qui leur paraissait le plus efficace.  

Mais le grand succès du procès de Nuremberg a sans doute été, au-delà de la condamnation et du châtiment des coupables, de démonter le mécanisme de destruction mis en place par les nazis (le processus de dénazification en Allemagne devait suivre), et de faire reconnaître juridiquement les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité tout en définissant le crime de génocide.

 

2- Le procès Eichmann (1961)

Adolf Eichmann est né en 1906 à Salingen en Rhénanie. Entré dans les S.S. Autrichiens en 1932, Eichmann fut recruté par la police secrète nazie (SD) en 1934. Lors de l'annexion de l'Autriche par les  Allemands en 1938, l'Anschluss, il fut chargé d'organiser à Vienne et à Prague la déportation des Juifs d'Autriche et de Tchécoslovaquie. En 1940, il fut chargé par Heydrich de mettre en oeuvre « la solution finale », c'est à dire l'extermination de tous les juifs d'Europe. Eichmann fut arrêté par les Alliés mais parvint à s'échapper et à se réfugier en Argentine où il fut découvert en 1960 par des agents des services secrets israéliens qui l'enlevèrent et qui l'emmenèrent en Israël. Il fut jugé à Jérusalem et condamné à mort pour crime contre l'humanité. Il fut exécuté par pendaison le 31 mai 1962.

Discours à la Knesset du premier ministre Israélien David Ben Gourion le 23 mai 1960

            « Il y a peu de temps, un des principaux criminel de guerre nazi, Adolf Eichmann, qui fut responsable avec ses dirigeant nazis de ce qu'ils appelaient le « solution finale » de la question juive, c'est à dire l'extermination de 6 millions de Juifs en Europe, à été découvert par les services secrets israéliens. Adolf Eichmann est d'ores et déjà en Israël, en état d'arrestation et sera jugé prochainement. Conformément aux dispositions de la loi sur le châtiment des nazis et de leurs collaborateurs ».

Eichmann lors de  son procès à Jérusalem

 

3- La France face à son passé douloureux : K. Barbie, P. Touvier, R. Bousquet et M. Papon

Les procès de Klaus Barbie, Paul Touvier, Maurice Papon et René Bousquet ont mis en lumière la collaboration de certains Français durant la seconde guerre mondiale. En effet des fonctionnaires de Vichy ou des miliciens ont favorisé le génocide, participant au crime contre l’humanité. Ces procès tenus durant les années 1980 et 1990 confirmèrent que la France ne fut pas uniquement résistante comme l’avait déclaré le Général de Gaulle au lendemain de la seconde guerre mondiale. En effet certains Français avaient choisi d’être aux côtés des nazis.

  

Klaus Barbie (1913-1991), membre des jeunesses nazies en 1931, ancien officier S.S. et ancien chef de la Gestapo de Lyon, il participe à la mort de Jean Moulin, responsable du C.N.R.(Conseil National de la Résistance) et fondateur des F.F.I. (Forces Françaises de l’Intérieur). Il est également l’organisateur de la déportation des enfants d’Izieu. Il fut inculpé en 1983, jugé à Lyon et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité le 4 juillet 1987.

 

René Bousquet (1909-1991), secrétaire général à la police, inculpé en mars 1991, il  fut assassiné le 6 juin 1993 par un déséquilibré avant l’ouverture de son procès. Sous le régime de Vichy, René Bousquet participa activement au rapprochement entre la police française et les occupants nazis, appliquant avec zèle les directives allemandes et allant même au delà de ces dernières, notamment lors des rafles de Juifs français comme celle du Vel’d’Hiv. D’ailleurs Himmler déclara : « Bousquet est un collaborateur précieux dans le cadre de la collaboration policière ». René Bousquet incarne donc la France « collaborationniste ».

 

Paul Touvier (1915-1996), ancien milicien, condamné deux fois à mort par contumace en septembre 1946 et mars 1947, il avait été gracié par le Président de la République Georges Pompidou. Des plaintes furent déposées en 1987. Paul Touvier fut arrêté le 24 mai 1989 et inculpé. Il fut condamné en 1994 à la réclusion criminelle à perpétuité pour l'exécution d'otages Juifs à Rilleux-la-Pape durant la deuxième guerre mondiale.

 

Maurice Papon (1910-…), fonctionnaire à la préfecture de Bordeaux, zélé, il a joué un rôle dans la déportation des Juifs de Bordeaux. Il fallut seize années de procédure pour que Maurice Papon, inculpé en 1983, puis après annulation de la procédure, à nouveau en 1988 et en 1992, comparût devant la justice le 8 octobre 1997. Maurice Papon fut condamné à 10 ans de réclusion criminelle et à la privation des droits civiques pour complicité de crimes contre l'humanité, sans toutefois retenir celle d'assassinat.

 

 

B) NAISSANCE DU DROIT PENAL INTERNATIONAL : NUREMBERG, T.P.I., C.P.I.

 

1- Nuremberg, à l'origine des notions de génocide et de crime contre l'humanité

Le terme de génocide est apparu pour la première fois dans un document officiel en octobre 1945  dans l'acte d'accusation du Tribunal militaire international de Nuremberg. Il a été créé en 1944 par le juriste américain d'origine polonaise, Raphaël Lemkin, pour tenter de définir les crimes perpétrés par les nazis à l'encontre des peuples Juif et Tsigane durant la seconde guerre mondiale. Il témoigne d'une double volonté de la part de la communauté internationale :

-celle de punir un crime jusque-là inconnu dans le vocabulaire juridique pénal.

-celle de qualifier la destruction systématique des peuples Juif et Tsigane par l'Etat hitlérien.

La notion de génocide fut ensuite l'objet de précisions lors de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, entrée en vigueur le 12 janvier 1951.

Ainsi, ce sont avant tout des individus qui sont le plus souvent les victimes directes de telles exactions.  En cela le génocide peut ressembler au crime contre l'humanité. Mais la spécificité du génocide réside dans le fait que l'auteur d'un crime de génocide vise la destruction du groupe auquel appartient la victime. Au delà de l'individu, c'est donc toute la communauté dont il est issu qui est visée. Par l'élimination d'un de ses membres, le criminel entend contribuer à faire disparaître l'ensemble du groupe, « national, ethnique, racial ou religieux ».

 

Les historiens évoquent des génocides pour lesquels le débat est toujours en cours :

- le massacre de dix millions de Chinois par les Mongols au X° siècle, qui représente la plus grande extermination d'êtres humains de toute l'Histoire ;

- la déportation des Acadiens par les Anglais dirigée par le Général Monkton en 1755 afin de les déposséder de leurs terres;

- la Tasmanie qui a été qualifiée de génocide le plus parfait de l'histoire ;

- l'extermination des Beotuks à Terre-Neuve par les Anglais

- l’extermination des peuples Indiens par les Américains. Par exemple, J.Amherst, gouverneur militaire, a fait distribuer aux Indiens Delaware en 1763 des couvertures  infectées .

- les premiers camps de concentration ont été expérimentés au cours de la guerre des Boers en Afrique du Sud. Des centaines d'Afrikaanders, des noirs alliés à ces derniers, femmes et enfants y décédaient rapidement.

 

En revanche, certains génocides du XXème siècle sont reconnus sur le plan international :

    - le génocide des Arméniens commis par les Turcs (1915).

    - le génocide juif et tzigane commis par les nazis durant la deuxième guerre mondiale.

    - le génocide cambodgien commis par les Khmers rouges entre 1975 et 1979.

    - le génocide Tutsi au Rwanda commis par les Hutus (1994).

    - le génocide Bosniaque en ex-Yougoslavie commis par les Serbes (1995).

 

Bien évidemment, il apparaît impossible d’établir des comparaisons entre les différents génocides, néanmoins celui perpétré par les nazis se singularise par ses caractères “industriel” et “burocratique”, lui faisant atteindre un certain paroxisme! Sa mise en place a pour origine un homme, Adolf Hitler, qui dés 1923 dans "Mein Kampf" expose ses thèses antisémites : « les Juifs deviennent les ferments de décompositions des peuples et des races et, au sens le plus large, ils désagrègent la civilisation humaine ». Ainsi selon lui, «  l'Histoire établit avec une effroyable évidence que, lorsque l'Aryen a mélangé son sang avec celui de peuples inférieurs, le résultat de ce mélange a été la ruine du peuple civilisateur ».

L'antisémitisme du régime nazi se traduit en 1935 par la mise en place des lois de Nuremberg, dont la conséquence est l’exclusion des Juifs de la société allemande, poussant un grand nombre de ces derniers à quitter le pays. En 1938, la violence monta d'un cran lors de la « Nuit de cristal » du 9 novembre dont le but était d’exclure totalement les Juifs de la société en impliquant un maximum d’Allemands dans les violences à l’encontre des Juifs. La guerre éclata et suite à l’invasion de la Pologne par l’Allemagne en septembre 1939, les Juifs de ce pays furent rassemblés et enfermés dans des ghettos situés à proximité des nœuds ferroviaires où ils furent astreints au travail forcé. En 1940, suite à la défaite française, les nazis envisagèrent de transférer tous les Juifs d'Europe à Madagascar, colonie française. Cette possibilité fut bien vite oubliée et la déportation des Juifs continua.

En 1941, les chefs nazis prirent la grande décision : mettre en oeuvre la politique d'extermination systématique des Juifs. Ils la dissimulèrent sous le nom de « solution finale à la question juive » ou plus généralement par « solution finale ». Ainsi des forces mobiles se greffèrent aux groupes d'interventions « einsatzgruppen ». Elles étaient chargées de fusiller sur place toutes les personnes ne méritant pas la vie (adhérents au parti communiste ainsi que tous les Juifs), ceci au fur et à mesure de l'avancée allemande sur le territoire soviétique.

Cette méthode fut mise de côté, jugée ''trop traumatisante'' pour les troupes allemandes. En revanche, l'extension du génocide sur l'ensemble du continent européen s’accrut par la construction des camps de concentration et ceux d’extermination. Ces derniers étaient équipés de camions et de chambres à gaz utilisant du monoxyde de carbone ou du zyklon B, sans oublier l'utilisation des fours crématoires. Certains camps présentaient la particularité de combiner concentration et extermination. En 1942, le processus d'extermination s'intensifia. De toute l'Europe occupée partaient des convois à destination des camps d’extermination basés en Pologne comme celui d’Auschwitz. Le roman de Robert Merle, "La mort est mon métier", ou le film de Constantin Costa-Gavras, "Amen", montrent bien la mise en place de cette « industrie de la mort » par les nazis. A partir de 1944, les nazis constatant l’avancée des troupes Alliées, commencèrent l’évacuation des camps et tentèrent d’en effacer les traces afin que leurs atrocités ne soient jamais révélées au monde.

A la notion de génocide, le tribunal de Nuremberg (1945-1946) ajouta celle de crime contre l’humanité. Les juristes en donnèrent la définition suivante : « assassinat, extermination, réduction en esclavage, déportation et tout autre acte inhumain commis contre toute population civile, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs raciaux ou religieux lorsque ces actes ou persécutions, qu'ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés » (article 6c du statut du tribunal de Nuremberg).

L'évolution de la notion de crime contre l'humanité réside en son inscription dans le droit international et dans le droit de nombreux Etats comme celui de la France. Le crime contre l'humanité, malgré ses débuts modestes puisque il prévoyait explicitement de ne s'appliquer qu'aux actes commis par les puissances de l'Axe, a peu à peu été inscrit dans la législation internationale et vu au passage sa définition précisée. Une résolution des Nations Unies est ainsi votée en 1948 « confirmant les principes du droit international reconnus par le statut de la cour de Nuremberg et par l'arrêt de cette cour ».

La définition est élargie en 1973 lors de la Convention internationale sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid. Elle qualifie l'apartheid de crime contre l'humanité. En 1992 une résolution ajoute que les enlèvements de personnes relèvent également des crimes contre l'humanité. En plus de la définition, c'est le statut juridique du crime contre l'humanité qui se précise également. En 1968, il est décidé que désormais les crimes contre l’humanité sont « imprescriptibles ».

La définition de crime contre l'humanité s’inscrit en 1998 dans l'article 7 du statut de Rome de la Cour Pénale Internationale. Cet article définit de façon complète le crime contre l'humanité. Ainsi, on parle de crimes contre l'humanité lorsqu'ils sont commis « ...dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique dirigée contre toute population civile et en connaissance de l'attaque [...] Meurtre, extermination, réduction en esclavage, déportation ou transfert forcé de population, emprisonnement [...], torture, viol, esclavage sexuel [...], persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d'ordre racial, religieux [...], disparitions forcées de personnes, crime d'apartheid, autres actes inhumains [...]. Chaque terme est ensuite redéfinit plus en détail, comme les termes extermination, déportation [...] La notion de crime contre l'humanité est définitivement extraite de son contexte initial et définie rigoureusement ».

En France, à la fin de la guerre, la qualification de crime contre l'humanité ne fut pas utilisée pour la répression des crimes commis tant par les Allemands que par les Français. La répression fut effectuée par des juridictions d'exception mais pour des crimes de droit commun.

Le temps passant et la volonté que les criminels ne puissent bénéficier de la prescription, la loi du 26 décembre 1964 inscrit le crime contre l'humanité dans l'ordre juridique français. C'est alors un unique article du Code pénal qui renvoie à la charte du Tribunal international de 1945 et à la résolution des Nations Unies du 13 février 1946. Il déclare ces crimes « imprescriptibles par leur nature », c'est à dire qu'ils peuvent être jugés sans aucun délai de temps. Il s'agit du seul crime imprescriptible du droit français.

Les procédures ouvertes donnent lieu à une jurisprudence déterminante dans la définition du crime contre l'humanité. Par exemple, le 20 décembre 1985, un arrêt de la Cour de cassation élargit  la notion de crime contre l’humanité « aux victimes de discriminations politiques, en plus des victimes de discriminations raciales ou religieuses », afin que soient jugés ceux qui ont persécuté les Juifs aussi bien que les résistants. Cette décision vise des personnes tels que Klaus Barbie, Paul Touvier ou encore René Bousquet. La même année, la Cour de cassation affine de nouveau la définition en affirmant que ces crimes contre l’humanité sont reconnus dés qu’« un Etat pratique une politique d'hégémonie idéologique ». Finalement, les Parlementaires français votent en 1994 une loi définissant précisément le crime contre l'humanité afin de clarifier cette notion juridique dans le droit français.

Le tribunal de Nuremberg constitua une avancée pour le droit pénal international. Les notions de génocide et de crime contre l’humanité y furent fondées.

 

2- Le T. P. I. (Tribunal Pénal International) et la C. P. I. (Cour Pénale Internationale)

Comme une suite à Nuremberg, un Tribunal Pénal International est mis en place afin de juger les plus graves crimes comme les crimes contre l'humanité et les génocides . Il a été mis en place par le Conseil de sécurité de l'ONU (Organisation des Nations Unies) suite aux résolutions du 8 novembre 1994, du 27 février 1995 et du 30 avril 1998.

 

Ainsi deux T.P.I. ont vu le jour :

- le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie (T.P.I.Y.) a été instauré le 25 mai 1993 par la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations-Unies, afin de poursuivre les personnes responsables de violations graves du droit international humanitaire sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis le 1er janvier 1991. On dénombre ainsi 48 accusés dont 31 font l'objet d'un mandat d'arrêt international. Certain accusés sont actuellement jugés par le T.P.I.Y. comme l’ex-Président Serbe, Slobodan Milosevic pour sa participation au génocide bosniaque.

                                                  

Slobodan Milosevic (1941-...) lors de son jugement par le T.P.I.

- le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (T.P.I.R.) a été installé le 8 novembre 1994 par le Conseil de sécurité des Nations-Unies afin de juger les personnes responsables d'actes de génocide et d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda, ou par des citoyens Rwandais sur le territoire d'Etats voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994. On recense 50 accusés dans ce procès, 9 ont déjà été condamnés pour crime contre l’humanité.

 

La création des deux T.P.I. a remis à l'ordre du jour le projet de création d'une juridiction pénale universelle. Cette volonté aboutit avec la création de la Cour Pénale Internationale (C.P.I.) le 1er juillet 2002 qui est permanente, à la différence des T.P.I., et qui a un champ d'action qui s'étend sur tous les Etats ayant ratifié le statut de Rome. La C.P.I. se réserve le droit d’intervenir même sur des criminels dont le pays ne l’a pas reconnue. Elle est actuellement basée à La Haye aux Pays-Bas.

 

C) D'AUTRES GENOCIDES

 

1- Le génocide arménien

Le samedi 24 avril 1915, à Istanbul, capitale de l'Empire Ottoman, 600 notables Arméniens sont assassinés sur ordre du gouvernement. C'est le début d'un génocide, le premier du XXème siècle.

Il fait environ 1,2 million de victimes dans la population arménienne de l'Empire turc. Voici le texte d'un télégramme transmis par le Ministre aux cellules de Jeunes-Turcs : « Le gouvernement a décidé de détruire tous les Arméniens résidant en Turquie. Il faut mettre fin à leur existence, aussi criminelles que soient les mesures à prendre. Il ne faut tenir compte ni de l'âge, ni du sexe. Les scrupules de conscience n'ont pas leur place ici. »

Dans les sept provinces orientales, les Arméniens sont tués sur place par l'armée ou réunis en longs convois et déportés .Ces longues marches se déroulent sous le soleil de l'été, dans des conditions épouvantables, sans vivre et sans eau, sous la menace constante des montagnards Kurdes, trop heureux de pouvoir librement exterminer leurs voisins et rivaux. Elles débouchent en général sur une mort rapide. Après les habitants de l'est, vient le tour des autres Arméniens de l'Empire. Au total périssent les deux tiers de la population arménienne sous souveraineté Ottomane.

Commémoration du génocide arménien à Montréal (Canada)

 

2- Le génocide cambodgien

Quand les Khmers rouges arrivent au pouvoir au Cambodge en 1975, ils sont déterminés à créer une nouvelle société en commençant par détruire tous les aspects de l'ancienne. Ils mettent à exécution un programme qui consiste à fermer les écoles, les hôpitaux ..., à supprimer la propriété privée, à faire déplacer les gens des zones urbaines aux camps de travaux collectifs.

Le régime des Khmers rouges commence aussi à exécuter systématiquement toute personne ayant eu des relations avec l'ancien gouvernement, les intellectuels et les ethnies vietnamiennes. Le nombre exact de victimes du régime Khmer rouge est encore débattu. Le gouvernement qui succède aux Khmers rouges en 1979 avance le nombre de 3,3 millions de morts.

Ossuaire du génocide cambodgien

 

3- Le génocide rwandais

La population du Rwanda et du Burundi, dans la région des Grands Lacs de l'est africain, est formée de deux ethnies: les Hutu et les Tutsi. Accentué durant la colonisation, le clivage ethnique se traduit après l'indépendance par des meurtres collectifs entre les deux ethnies dès 1959, puis en 1963 et en 1972.

Dès 1962, l'Etat rwandais assure son pouvoir en renforçant ce clivage ethnique sur fond de crise sociale et économique. En 1994, une faction extrémiste du gouvernement et de l'administration de l'Etat rwandais, dirigé par des Hutu, fait massacrer des opposants politiques Hutu et des intellectuels Tutsi. Puis commence la mise à mort systématique des Tutsi qui forment environ 10% de la population du Rwanda. La tuerie est orchestré par les milices de la garde présidentielle mais la population civile Hutu y collabore. Un carnage anarchique qui fait entre 200 000 et 800 000 morts et un million de réfugiés. Les tueurs se cachent souvent parmi les réfugiés entassés dans des camps au Zaïre et en Tanzanie.

                                                    

 

4- Le génocide en ex-Yougoslavie

La Chambre d'appel du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie (T.P.I.Y.) a définitivement confirmé, le 19 avril 2004, que le massacre de plus de 7000 Musulmans de Bosnie de Srebrenica (Bosnie orientale), en 1995, constituait un génocide. Ce tribunal a par exemple infligé une peine de 36 ans de prison au  Général Serbe de Bosnie Radislav Krstic, accusé de « complicité de génocide, de crime contre l'humanité et de crime de guerre. »

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